12 April 2011

Dracha pour le dernier Pessach en diaspora !

Dans la haphtarah du « shabbat hagadol » qui est le shabbat avant le « Séder » de Pessach, nous lisons des versets sur le « commencement des temps messianiques » et où il est prévu qu’Elie le prophète, révèlera la réconciliation « des pères et des fils. »
Le rav Charlab établi une parallèle entre cette notion de base de la haphtara du shabbat hagadol qui est le lien entre les fils… Et d’autre part ce moment essentiel de liturgie de la « haggadah » où va s’établir ce dialogue entre les pères et les fils concernant la question de l’enfant découvrant le caractère singulier de sa propre destiné.
Un enseignement du rav Kook nous explique sur les quatre enfants (surtout le révolté, celui qui est l’enfant רשע {méchant}) que lorsque les autres enfants dans leur interrogation à leur père, dans leur interpellation à la génération précédente, leurs posent la question : « Que ce passe-t-il avec nous, nous les Juifs, nous les Hébreux… ? » Eh bien, ils ont une attitude positive, leurs questions impliquent qu’ils attendent une réponse et qu’ils sont prêts à s’y relier positivement. Quant au רשע (méchant), il a une attitude d’interpellation de révolté.
Le rav Kook met justement ce problème en évidence, lorsqu’il explique que la Tora avait prévu que « l’enfant » doit interroger. Il faudrait surtout s’inquiéter si les générations qui n’avaient pas eu l’expérience de l’évènement au Sinaï, n’interrogeaient pas leurs pères ?
Faisons une analyse pédagogique sur ce point :
Très souvent la génération des parents a tendance à considérer comme néfaste cette attitude (je dirais presque d’insolence) quand l’enfant de la famille met en question l’identité de la famille. Car très souvent il y a une sorte de postulat impulsif chez les parents. Quand un enfant demande :
« Qu’est-ce que cela signifie d’être Juif ? Pourquoi suis-je Juif ? »
Les parents percevraient cela comme une attitude de רשע (méchanceté) ou une attitude de révolté.
Cependant, la Tora montre par un verset que cela est tout à fait naturel que l’enfant pose cette question et que cette attitude est tout à fait positive.
Nous concluons donc que si une des quatre attitudes des enfants, surtout celle du רשע, devient négative, étant dans une attitude d’interpellation de révolte, c’est qu’il s’est passé quelque chose entre les parents et l'enfant et qu’il s’agit d’élucider cela au plus vite.
A l’âge de l’adolescence se produit une sorte de pudeur qui rend le dialogue entre parents et enfants très difficile. On n’ose pas parler de l’essentielle.
Les conversations familiales entre les parents et les enfants à l’âge de l’adolescence, semble contourner le problème essentiel. Cet enfant qui dans la conscience est en train de s’éveiller à une destiné historique particulière, a le courage un jour de demander : « Qu’est-ce que je dois faire dans la vie ? Il s’entend répondre avec cette stratégie socio-économique du père, soucieux d’assurer la promotion sociale de ses enfants: « Tu seras ou avocat ou ingénieur ou même médecin… »
Or ce n’est pas ce que l’enfant avait demandé.
Ce qu’il faut mettre en évidence c’est que la Torah avait prévu à l’avance qu’il est normal que l’enfant interroge. (ex.13 v.14)
וְהָיָה כִּי-יִשְׁאָלְךָ בִנְךָ, מָחָר--לֵאמֹר מַה-זֹּאת: וְאָמַרְתָּ אֵלָיו--בְּחֹזֶק יָד הוֹצִיאָנוּ יְהוָה מִמִּצְרַיִם, מִבֵּית עֲבָדִים.
Et lorsque ton fils, un jour, te questionnera en disant: "Qu'est-ce que cela?" tu lui répondras: "D'une main toute puissante, l'Éternel nous a fait sortir d'Égypte, d'une maison d'esclavage.
La Tora a donc prévu que cela soit normal l’existence d’un « enfant » qui se révolte. La raison peut être comprise également en lisant un des derniers versets de la haphtarah, que nous lisons à l’office du « Shabbat Hagadol »
זִכְרוּ, תּוֹרַת מֹשֶׁה עַבְדִּי, אֲשֶׁר צִוִּיתִי אוֹתוֹ בְחֹרֵב עַל-כָּל-יִשְׂרָאֵל, חֻקִּים וּמִשְׁפָּטִים.
הִנֵּה אָנֹכִי שֹׁלֵחַ לָכֶם, אֵת אֵלִיָּה הַנָּבִיא--לִפְנֵי, בּוֹא יוֹם יְהוָה, הַגָּדוֹל, וְהַנּוֹרָא.
וְהֵשִׁיב לֵב-אָבוֹת עַל-בָּנִים, וְלֵב בָּנִים עַל-אֲבוֹתָם--פֶּן-אָבוֹא, וְהִכֵּיתִי אֶת-הָאָרֶץ חֵרֶם.
Souvenez-vous de la Loi de Moïse, mon serviteur, à qui j'ai signifié, sur le Horeb, des statuts et des ordonnances pour tout Israël.
Or, je vous enverrai Elie, le prophète, avant qu'arrive le jour de l'Eternel, jour grand et redoutable!
Lui, ramènera le cœur des pères à leurs fils(ou à leurs enfants), et le cœur des fils à leurs pères, de peur que je n'intervienne et ne frappe ce pays d'anathème.

C'est-à-dire pour éviter que l’histoire n’aboutisse à une catastrophe, parce qu’elle n’aurait pas mérité de réussir, un peu en analogie avec la première tentative de l’histoire humaine qui aboutie à la catastrophe du déluge, il y aurait une dernière chance. Elie, le prophète, reviendra pour réconcilier les pères et les fils. Et nous voyons donc l’importance qu’est donnée par la Bible à ce problème de la relation entre les générations. Entre la génération des pères et la génération des fils, comme étant le foyer même de la signification de l’histoire.
Pour que l’histoire réussisse, il faut qu’il y ait un שלוב הדורות – shilouv hadorot (un lien entre les générations) des pères et des fils.
Si ce lien est coupé, la signification de cette histoire s’évanouie, elle perd toute chance de réussir. (Lire mon article de Décembre 2009 : « Existe-t-il une philosophie juive ? »)
Pourquoi ?
Parce que les évènements qui donnent un sens à l’histoire humaine sont par définition des évènements historiques. Et si la mémoire de ces évènements historiques ne passent pas (et pour qu’elle passe, il faut qu’il y ait שילוב חדורות il faut qu’il y ait, lien entre les générations. Car autrement tout s’arrête, tout est coupé à chaque génération, il faudra tout recommencer depuis l’origine et l’histoire humaine fera un surplace absolu depuis sa signification spirituelle et morale, ce qui est le danger de la civilisation humaine. Car il y a développement des sciences et des techniques et il y a un surplace absolu au niveau de l’amélioration morale… Nous sommes au même niveau du problème moral non résolu, que le niveau des premières générations qui aboutit à la destruction du monde par le déluge…

Etant donné qu’il y a un dévoilement de la signification de la destiné humaine à travers l’histoire, c’est à travers la mémoire d’abord que doit passer une tradition. Et le véhicule d’une tradition, n’est pas l’intelligence, ce n’est pas la raison, on ne peut pas reconstituer par l’intelligence un évènement qui aurait été oublié.
La perception du sens de l’histoire, d’après la tradition juive, est d’abord par la mémoire historique et en second lui seulement, il y a un système intellectuel qui va formuler en croyance ou en dogme ou en connaissance, l’objet de la foi. Si on ne se souvient pas ce qui c’est passé…
...Eh bien, on l’oubliera.
De nos jours avec tout ce qui se passe vis-à-vis du Peuple Juif et d’Israël dans le monde, la seule manière de s’en sortir sera par le lien entre les générations, le lien entre les pères et les fils qui peuvent se renouveler à chaque « Séder »
Acquérir suffisamment de connaissances historiques et ainsi surmonter les problèmes cruciaux afin de rester ce peuple dont la fonction est de « préserver une morale digne de l’être humain, » n’est pas facile, j’en conviens. Cependant, une chose est claire, ce lien ne peut se faire que dans une « société juive » avec une « tradition juive » et cela n’existe qu’en Israël.
Donc « rabotaï », l’Année Prochaine à Jérusalem !!! Et que cette prière ne soit pas du folklore…

חג פסח שמח
Claude (אליעזר בן יעקוב )

P.S. Il va de soit d'annoncer que tout cet enseignement vient de mon maître de "tradition juive", le rav et prof. "Léon Ashkénazi - Manitou" (ז''ל) pendant mes études dans sa yeshivah à "Mayanot" entre 1981-82

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